Miécourt, 7 octobre 1918
À un mois de l’armistice de 1918, alors que la Première Guerre mondiale touche à sa fin, un drame secoue l’Ajoie et toute la Suisse : l’aérostier Walter Flury trouve la mort en mission, sur le sol helvétique, dans son ballon captif abattu par un avion allemand.
Un jeune officier prometteur

Né le 22 novembre 1896 à Granges (SO), Walter Flury est le fils d’un instituteur. Après des études à Granges et au Technikum de Bienne, il intègre les troupes aérostatiques suisses et y est rapidement promu lieutenant. Le 30 septembre 1918, sa compagnie est envoyée en mission à la frontière nord-ouest, près de Porrentruy, pour y surveiller les mouvements ennemis.
Une mission d’observation stratégique

Le 7 octobre 1918, Walter Flury s’élève à plus de 1’000 mètres d’altitude au-dessus de Miécourt, dans un ballon captif. Sa mission : observer les mouvements allemands en Alsace, notamment depuis Ferrette et Pfetterhouse.
Pour communiquer avec le sol, il utilise un klaxon codé : un signal bref pour indiquer que tout va bien, deux pour demander la descente, un signal continu en cas de danger. Mais ce jour-là, les événements dépassent les procédures prévues.
L’attaque et la chute
Vers 9h45, deux avions allemands surgissent. Walter Flury déclenche l’alerte. Le treuil au sol commence à descendre la nacelle, mais à 600 mètres d’altitude, l’un des avions attaque et mitraille le ballon. Il s’embrase aussitôt. Le corps du lieutenant sera retrouvé carbonisé, tenant encore ses jumelles.

Quelques instants avant l’impact – Témoignage imaginaire
Le vent est calme à plus de 1’000 mètres. Là-haut, suspendu dans sa nacelle, Walter Flury scrute l’horizon à travers ses jumelles. L’Alsace, encore sous contrôle allemand, se dessine entre brume d’automne et lignes boisées. Il ajuste sa position, note quelques détails sur une tablette fixée à la paroi, l’œil exercé, vigilant. Il est seul dans le ciel.
Soudain, un bruit sourd. Un bourdonnement lointain se précise. Deux ombres émergent derrière une crête : des avions allemands de type Albatros. Flury n’hésite pas. Il décroche le klaxon et envoie deux signaux brefs – descente immédiate.
En bas, le treuil se met en marche. Le câble se tend, mais il faut du temps. À plus de 600 mètres du sol, il est encore trop haut. Les appareils ennemis se rapprochent. L’un vire soudain vers la gauche. Le lieutenant le voit passer sous lui, puis revenir en arc, plus proche, plus menaçant. La première rafale tue le lieutenant sur le coup. La deuxième détruit le ballon gonflé à l’hydrogène.
Les hommes au sol verront tomber une boule de feu. On retrouvera Walter, encore agrippé à ses jumelles. Il est mort en service, tombé pour protéger la neutralité d’un pays qu’il surveillait sans armes, les yeux dans le ciel.
Un incident diplomatique
L’attaque en territoire suisse provoque un incident diplomatique majeur. Le pilote allemand est condamné à trois mois de prison avec sursis, et la famille Flury reçoit une indemnisation de 80’000 CHF. Walter Flury est reconnu comme le premier mort officiel des troupes aérostatiques suisses. Il repose à Granges depuis le 9 octobre 1918.
Lieu de mémoire – Visite aujourd’hui



Un lieu de silence et de souvenir. Le monument Flury n’est pas seulement un hommage à un homme, mais un rappel de la fragilité des frontières et du poids des décisions en temps de guerre. Il invite à la paix, à la mémoire, et au respect des vies perdues loin des champs de bataille habituels.
Documents & sources historiques
- Archives locales jurassiennes – Témoignages sur les événements du 7 octobre 1918
- Biographie “Ehrentreppe” (DE) – Soldats suisses morts en service
- Panneau officiel de la commune de La Baroche – disponible sur site
- Accord d’indemnisation du 23 avril 1919 – 80’000 CHF versés à la famille Flury
- Carte militaire suisse de 1918 et carte actuelle – Swisstopo